Environ 34,7% de la masse monétaire en Algérie circule en dehors du circuit bancaire, selon la Banque d’Algérie.
D’après les derniers chiffres de la situation monétaire en Algérie, la Banque d’Algérie a fait état d’une hausse conséquente de la masse monétaire circulant en dehors du circuit bancaire, qui a atteint 6.140,7 milliards de dinars (près de 60 milliards de dollars) à la fin de l’année 2020, soit une hausse de 12,93% durant une seule année.
L’argent thésaurisé et qui alimente le secteur de l’informel a atteint ainsi 34,73% de la masse monétaire M2 fin 2020, contre 32,94% fin 2019, a précisé la même source.
Dans cette note de la Banque d’Algérie sur l’évolution des situations monétaires et prudentielles pour la fin de l’année 2020, il est indiqué une « expansion » de la masse monétaire 2, qui a enregistré une hausse de 7,12% à la fin de 2020 par rapport à la fin 2019, « cumulant ainsi un montant de 17.682,7 milliards de dinars contre 16.506,6 milliards de dinars à fin 2019 ».
Selon l’économiste algérien Farouk Nemouchi, cité par le journal « El Watan », « l’ampleur du phénomène des fuites monétaires est une catastrophe pour le système financier ».
Il a estimé que la pénurie de liquidités aggrave le sentiment de désaffection des citoyens vis-à-vis des institutions financières.
Il a expliqué que lorsque la monnaie fiduciaire augmente, la liquidité diminue et les banques sont contraintes de solliciter la BA, ajoutant qu’ »on est dans un cercle vicieux préjudiciable ».
Pour sa part, le consultant en management Mohmed Saïd Kahoul a estimé que « la croissance de la masse monétaire circulant en dehors du circuit bancaire est logique par la nature du marché dominé par l’économie informelle ».
« Chaque fois que l’Etat injecte de l’argent dans le marché, une partie va renforcer l’informel », a-t-il noté, relevant qu’un autre élément va encore renforcer ce phénomène, à savoir la baisse du « Taux des réserves obligatoires (TRO) à 2%, qui va aussi voir une partie rejoindre l’informel, parce qu’il libère une partie des réserves ».
L’expert a rappelé qu’en en 2010, « la masse en banque était de 2500 milliards de dinars avec un taux de réserves obligatoires de 9%. En 10 ans, le TRO a chuté de 7% pour être réduit à 2% et une masse de 612 mds de DA en banque », en notant au passage que l’Etat a imprimé dans le cadre du financement non conventionnel, près de 6000 milliards de DA.
Selon lui, il s’agit d’une « situation de dégradation devant laquelle l’Etat est resté dans l’expectative ».
Il a considéré qu’on ne peut pas dire que l’Etat a échoué à domestiquer l’économie informelle, mais plutôt qu’il n’a rien fait pour bancariser la grande partie de l’informel.
- Kahoul a estimé encore que « l’inflation et l’érosion du pouvoir d’achat des ménages accéléreront la pression sur les banques et les CCP par les besoins des ménages qui verront leur épargne se réduire. Toutefois, il a expliqué que « ce n’est pas avec la dépréciation du dinar, la baisse du TRO, l’élargissement de l’assiette fiscale et une hypothétique appréciation du prix du baril qu’on arrivera à des solutions pérennes ».
D’après la même source, on élargit l’assiette fiscale ou on augmente les taux, quand tous les instruments fiscaux existants sont épuisés par une bonne collecte.
« Or ce n’est pas le cas, puisque la BA donne le chiffre de plus de 6000 milliards de dinars en dehors du circuit bancaire », a-t-il fait savoir, considérant que « la solution pérenne est de trouver une issue à l’économie informelle qui a une corrélation élevée avec la corruption pour la réduire à un niveau marginal ».