La justice transitionnelle en Algérie est une coquille vide, à travers laquelle les autorités en place cherchent à « gérer une crise » sécuritaire et politique, a assuré Mohamed Zahraoui, professeur en sciences politiques.
Dans une déclaration à la MAP, en marge de sa participation, mercredi à Genève, à un colloque sur la justice transitionnelle en Algérie, M. Zahraoui a relevé que l’invocation du cadre référentiel de la justice transitionnelle, avec ses concepts et normes établis au fil des décennies d’accumulation théorique et pratique au sein de la communauté internationale, conduit à dire que la justice traditionnelle est absente et qu’il s’agit d’une gestion de crise sécuritaire et politique.
Donnant sa lecture des voies d’activation de la loi de concorde civile de 1999 et de réconciliation nationale de 2005, le chercheur universitaire a noté que l’obsession du pouvoir politique et de l’institution militaire en Algérie était de surmonter l’expérience de la décennie noire qui a vidé les capacités de l’institution, expliquant que le régime pensait pouvoir compter sur les bénéfices du boom pétrolier pour acheter la paix sociale.
L’expert a passé en revue, dans une perspective comparative, les expériences d’instauration de la justice transitionnelle en Argentine et au Chili au niveau de l’Amérique latine, se référant aux expériences de l’Afrique du Sud et du Maroc au niveau du continent africain, pour constater qu’en Algérie, aucun comité indépendant n’a été mis en place pour dévoiler la vérité sur les violations flagrantes des droits de l’Homme, et le processus de versement de compensations matérielles.
Lors de ce colloque, organisé par l’Observatoire international pour la paix, la démocratie et les droits de l’homme de Genève (IOPDHR) sous le thème « Justice transitionnelle en Algérie: révélation de la vérité, réparations et garanties de non-répétition…un chemin brisé » en marge de la 53e session du Conseil des droits de l’homme, le directeur de la « Revue du Grand Maghreb des études géopolitiques et constitutionnelles » s’est interrogé sur comment un processus crédible peut-il être lancé en la matière par la police judiciaire chargée des dossiers liés aux disparitions forcées, à la torture et aux exécutions extrajudiciaires, alors que l’organe fait lui-même l’objet d’accusations dans de nombreux cas.
L’on ne peut parler d’une justice transitionnelle selon les normes internationales “sans vérité et sans réparation du préjudice moral”, a-t-il observé, notant que la réalisation de ce concept est conditionnée à la mise en place de mécanismes pour comprendre ce qui s’est passé et éviter sa récurrence.