Dans la cadre de ses activités artistiques, l’Association Essaouira Mogador présente l’exposition « Rêve et lumière » de l’artiste contemporain Abdellah Oulamine du 2 au 12 avril à Dar Suiri.
Loin de toute tendance occidentalisée, la peinture minutieuse de l’artiste peintre Abdellah Oulamine s’inscrit dans une actualité intemporelle. Elle n’est pas à indexer à un quelconque courant de l’art néo figuratif au sens conventionnel du terme.
Ce plasticien chercheur est hypersensible et très doué. Par ses études des « connotations rhétoriques de la forme », il capte et restitue en couleurs alchimistes la beauté à la fois apparente et latente des motifs, et ce dans une doigté généreuse et fluidité chromatique surprenante. Il a bien voulu transgresser les canons classiques de la peinture figurative pour intégrer un espace d’expression plastique plus vaste et éloquent, celui de création merveilleuse et magico-poétique en général.
Véritable figure de la nouvelle sensibilité au Maroc, Abdellah Oulamine a dépassé à sa guise l’esprit restreint de l’abstraction qui semble avoir atteint ses limites normatives, en remettant en question les mouvements expressionniste passés et présents. Son langage plastique engendre par son contenu fantastique une nouvelle vision qui a eu dés le départ le soutien espéré des critiques d’art et d’esthètes. Le référent de base est souvent l’image de la forme en filigrane .
La dimension néo –expressionniste de ses tableaux ne se borne pas à une simple énonciation anecdotique mais implique la notion de rêve liée à celle de représentation subjective. Abdellah Oulamine met en toile les repères de notre mémoire tatouée. Il détourne le sens de ses scènes insolites qu’il perçoit et perturbe la lisibilité immédiate de son œuvre qui connote très souvent la jouissance les atmosphères humanisées.
L’élément référentiel de base est pour cet artiste les traces de la mémoire ; les couleurs du rêve et la polyformité des points agencés à travers un traitement stylistique évoquant la rhétorique de la profondeur, de la transparence et de la substitution.
Dans cette nouvelle exposition la Galerie La Kasbah d’Essaouira , Abdellah Oulamine nous invite à contempler ses œuvres pointillistes dont l’élément focal est le sens fugace de la réalité et la métaphore du motif qui ne perd pas son identité iconographique pour se muer en impressions étranges, à la limite de la visibilité connotative.
Avec ses aventures créatives, l’artiste valorise et sculpte la dimension profonde de « l’autrui, le temps et le lieu », en mettant en relief la synthèse d’un long parcours artistique en termes de picturalité et de plasticité. Son acte visuel est le faire –part d’une triple naissance : celle de la formation consistante, celle de la nouvelle démarche plastique et celle de l’interprétation fantaisiste de la réalité. Dans ses toiles, Abdellah Oulamine s’exprime exclusivement par la force du trait et le moyen de la couleur expressive qu’il pose sur la toile en surfaces mouvantes, toujours composées des atmosphères allusives. Il atteint ainsi une dimension spirituelle particulièrement sensible.
Sur le parcours artistique de cet artiste singulier, l’écrivain et ethnologue Abdelkader Mana a écrit dans son bloc (Rivages d’Essaouira) : « Au début des années 1980, à Essaouira, Oulamine faisait partie du « groupe Kawki », un groupe informel de réflexion sur les arts plastiques, qui ne tarda pas à se disperser, faute de cadre institutionnel approprié. Cette première initiation à la peinture, Oulamine la compléta par de nombreux voyages, qui lui permirent de découvrir de nouvelles façons de peindre. Il pratiqua d’abord un pointillisme figuratif, inspiré de scènes insolites du bord de mer d’Essaouira et de l’architecture ocre des « kasbahs » du Sud. Le sablier du peintre immobilise des moments uniques – le saut d’un poisson en dehors de l’eau, la rumination d’une vache sur le sable, un plat de noyer magique sous un astre noir – et dépeint des situations à la fois étranges et poétiques, grains de sable, grains de peau, corpuscule de lumière cendrée, molécule d’air et d’eau. Le paysage est reconstitué à partir de ses composantes élémentaires ; plus on ajoute de nouvelles couches de petits points, plus il y a possibilité de combiner lumière et ombre, et de ce jeu se dégagent de nouvelles formes. Oulamine passe parfois des heures à remplir un petit espace de points et de formes minuscules. Avec une pareille technique, il ne peut pas réaliser de grands formats. Ses toiles sont à l’image d’Essaouira, qui est elle-même une jolie miniature. ».
A titre de reconnaissance au parcours créatif de l’artiste Brahim Mountir (né à Tidzi, au pied de la montagne et au milieu des arganiers du pays Hahî), la Galerie La Kasbah d’Essaouira a abrité en 2016 les œuvres expressives de deux artistes plasticiens de renom Abdellah Oulamine et Philippe Veyrier , et ce à l’occasion de la Fête du Trône.
Hassan Moutaki
16 juillet 2016