En ce mois d’aout 2022, le directeur général de MERINAL, premier laboratoire pharmaceutique privé d’Algérie, Nabil Mellah, entame son 15 mois derrière les barreaux. Le fondateur de l’une des sagas industrielles à succès en Algérie (1 000 collaborateurs et 114 millions d’euros de chiffre d’affaires), a été condamné à quatre ans de prison a fin juillet 2022. Il est détenu depuis le mois de mai 2021. Retour sur le parcours d’un patron « politiquement incorrect ».
Le patron du laboratoire pharmaceutique Merinal, Nabil Mellah, a été condamné le 31 juillet, à quatre (4) ans de prison ferme, par le tribunal de Sidi Mhamed. « Infraction au règlement relatif au contrôle des changes » et « blanchiment d’argent », c’est ce qu’ont trouvé les autorités algériennes pour faire taire l’un des patrons qui dérange le plus dans le pays. Cet entrepreneur iconoclaste à succès, trop encombrant pour les autorités algériennes, est déjà en détention depuis 15 mois. La défense a fait appel de ce verdict, mais le « découragement dans le monde de l’entreprise en Algérie est, lui, sans appel », s’inquiètent plusieurs observateurs algériens et internationaux.
La liberté de ton a un prix en Algérie
Dans un article du journal « Twala », repris par le « Courrier International », on décrit un homme aux analyses souvent empreintes d’humour, entrecoupées d’un rire sonore et éclatant. « Une aisance mâtinée d’audace, diront certains, de la pure folie, penseront d’autres. Il savait néanmoins que cette liberté de ton avait un prix. Après chaque intervention médiatique, ses administrateurs devaient se préparer à recevoir des agents des impôts ou du commerce. Aussi, disait-il veiller à ne rien laisser au hasard et à respecter scrupuleusement les lois et la réglementation », soulignait le média.
Il distillait d’ailleurs des commentaires sur les autres hommes d’affaires qui ont choisi de se taire par peur de représailles ou par allégeance. Face aux nombreux écueils dressés devant eux, bon nombre d’investisseurs algériens taisaient leurs souffrances. Aussi Nabil Mellah détonnait dans le milieu des affaires en disant tout haut ce que les autres pensent tout bas. “Je fais partie de ces chiens qui aboient tout le temps”, s’amuse-t-il à répéter, lit-on sur les colonnes du journal.
Dans la nouvelle Algérie, ceux qui portent un regard lucide sur la situation économique, sur le climat des affaires et sur les aberrations administratives risque gros. Le message est clairement envoyé aux autres hommes d’affaires.
« Le problème n’est plus économique, mais politique » selon « La Croix »
Dressant également un portrait de ce chef d’entreprise algérien, le journal français « La Croix » rapporte qu’au seuil du fourgon de gendarmerie qui allait l’emmener en prison, le 9 mai 2021, Nabil Mellah demandait à ses proches « d’aller doucement » dans sa défense. « Il est réprimé pour son statut de patron engagé, mais il ne veut gêner personne au sein de sa famille et de son entreprise avec ses engagements personnels », rapporte son avocate Zoubida Assoul citée par le journal.
Nabil Mellah est, en quelque sorte, revenu, en même temps que les Algériens, de sa quête de développement sous un régime autocratique cleptomane. « Le problème n’est plus économique, mais politique », expliquait-il déjà aux dernières années de l’ère Bouteflika, rapporte « la Croix ».
Déjà condamné à une peine avec sursis début 2021, il avait alors publié un oracle saisissant : «Je suis révolté par mon impuissance face à l’insulte qui m’est faite et qui est faite à l’entreprise. Mon unique recours pour l’heure : écrire et dénoncer. En revanche, dans un certain sens, ils m’ont rendu service : désormais, je suis contraint de me retirer du monde du travail. Une sorte de retraite forcée. »