Cinq ans après « Charlie », le procès des attentats de janvier 2015 s’ouvre à Paris

 

 

Les attaques, d’une extrême violence, avaient semé l’effroi et la consternation en France comme à l’étranger: attendu depuis cinq ans, le procès des attentats jihadistes de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher s’ouvre mercredi à Paris sous très haute surveillance.

Pour marquer l’ouverture du procès, Charlie Hebdo a republié les caricatures de Mahomet qui en avaient fait une cible des jihadistes. « Un choix courageux, un choix digne (…) une affirmation très forte de leur liberté d’expression, de leur refus de l’intimidation », a salué Christophe Deloire, le président de Reporters sans frontières (RSF), devant le tribunal, auprès de l’AFP.

 

Quatorze personnes sont poursuivies, soupçonnées à des degrés divers de soutien logistique aux frères Saïd et Chérif Kouachi et à Amédy Coulibaly, auteurs des tueries qui ont fait 17 morts, entre le 7 et le 9 janvier 2015.

 

Le procès, initialement prévu avant l’été, avait été reporté en raison de la crise sanitaire. Il sera intégralement filmé pour la constitution d’archives historiques de la justice — une première en matière de terrorisme.

 

Ce procès a « un double intérêt »: « approcher la vérité » et offrir « un moment d’expression » aux victimes, a insisté le procureur national antiterroriste Jean-François Ricard.

 

Signe de l’importance accordée à cette démarche cathartique: les premières semaines d’audience seront consacrées aux témoignages des 200 parties civiles. Le déroulement de l’enquête et l’interrogatoire des accusés ne seront abordés que dans un second temps.

 

« Ce procès », a estimé M. Deloire mercredi matin, « a une vertu judiciaire immédiate, qui est de rendre justice aux victimes et aux familles. Et une vertu plus large, qui est d’envoyer un signal à l’ensemble du monde sur la protection de la liberté d’expression. C’est la pression de la liberté sur l’intolérance religieuse ».

 

En visite à Beyrouth, le président Emmanuel Macron a défendu mardi soir « la liberté de blasphémer » en France, « attachée à la liberté de conscience ». « Demain, nous aurons tous une pensée pour les femmes et les hommes lâchement abattus » en janvier 2015, a-t-il ajouté.

 

– Trois accusés absents –

 

Le 7 janvier 2015, les frères Kouachi avaient attaqué la rédaction de Charlie Hebdo à l’arme de guerre, assassinant 12 personnes, dont les dessinateurs historiques Cabu et Wolinski, avant de prendre la fuite.

 

Le lendemain, Amédy Coulibaly — qui avait côtoyé Chérif Kouachi en prison — tuait une policière municipale à Montrouge, près de Paris. Un jour plus tard, il exécutait quatre hommes, tous juifs, lors de la prise d’otages du magasin Hyper Cacher de la porte de Vincennes, à Paris.

 

Ce périple meurtrier avait pris fin avec la mort des trois jihadistes lors d’un double assaut policier, mené quasi simultanément à l’Hyper Cacher et dans une imprimerie de Dammartin-en-Goële (Seine-et-Marne) où les tueurs de Charlie Hebdo s’étaient retranchés.

 

Ces attaques avaient suscité une vague d’indignation dans le monde entier. Quelques jours plus tard, le 11 janvier, une manifestation d’ampleur historique avait rassemblé 1,5 million de personnes dans les rues de Paris, emmenée par des dizaines de chefs d’Etat et de gouvernements venus de toute la planète.

 

Quel rôle ont joué les 14 accusés ? Que savaient-ils des attaques? Jusqu’au 10 novembre, la cour d’assises va s’efforcer de discerner le degré de responsabilité de chacun dans la préparation des attentats.

 

Trois d’entre eux manqueront cependant à l’appel et seront jugés par défaut: Hayat Boumeddiene, compagne de Coulibaly et figure du jihadisme féminin, et les frères Belhoucine, tous trois partis quelques jours avant les attaques pour la zone irako-syrienne.

 

La mort des frères Belhoucine, évoquée par diverses sources, n’a jamais été officiellement confirmée. Hayat Boumeddiene, un temps donnée morte, est pour sa part soupçonnée d’être en cavale en Syrie.

 

– « Frustration » –

 

Sur le plan pénal, les juges antiterroristes ont retenu les charges les plus lourdes — la « complicité » de crimes terroristes passible de la réclusion à perpétuité — contre l’aîné des frères Belhoucine, Mohamed, et contre Ali Riza Polat, qui sera lui dans le box des accusés.

 

Ce proche d’Amédy Coulibaly est soupçonné d’avoir eu un rôle central dans les préparatifs des attentats, en particulier la fourniture de l’arsenal utilisé par le trio terroriste, ce dont il se défend.

 

Les autres accusés sont essentiellement jugés pour « association de malfaiteurs terroriste criminelle » et encourent vingt ans de réclusion. Un seul comparaît libre sous contrôle judiciaire pour « association de malfaiteurs » simple, un délit puni de dix ans de prison.

 

La cour va « avoir la lourde tâche de juger des faits pour lesquels les principaux responsables ne seront pas présents, et ne peuvent rendre compte. Pour cela, la justice sera mise à lourde épreuve », rappelle Me Safya Akorri, avocate de l’un des 14 accusés.

 

L’absence des frères Kouachi et Amédy Coulibaly est une « source de frustration », a reconnu le procureur national antiterroriste, tout en « récusant l’idée » que les 14 accusés soient « de petites mains, des gens sans intérêts ».

 

Au total, la vague d’attentats perpétrés en France depuis janvier 2015 a fait 258 morts, la menace terroriste restant à un niveau « extrêmement élevé » cinq ans après les faits, selon l’Intérieur.

 

Pour François Hollande, président de la République à l’époque des attentats, les terroristes ont malgré tout « perdu » dans leur volonté de « diviser les Français

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