Deux ans, jour pour jour, après le départ du président Abdelaziz Bouteflika après 20 ans de règne sans partage, l’Algérie demeure en peloton de tête des pays les moins respectueux des droits de l’Homme dans le monde.
Preuve en est, la “Nouvelle Algérie” tant promise, qui a révélé sa nature militaire et les outils de sa contre-révolution avec des annonces en trompe-l’œil pour apaiser la colère sur le “trop d’arrestations arbitraires, trop de condamnations routinières, trop d’exclusion, de détresse et de misère”, se retrouve toujours dans le TOP 10 des pays les moins respectueux des libertés dans le monde.
Epinglée par l’influent et célèbre institut américain “Cato Institute”, l’Algérie truste le sommet des pays les plus irrespectueux des Droits de l’Homme et des droits civiques avec des notes catastrophiques témoignant d’une profonde régression dans ces domaines.
Dans son rapport intitulé “Human freedom index” qui mesure le degré de respect des libertés dans 162 pays à travers le monde, le “Cato Institute” attribue de mauvaises notes à Alger en matière de respect des lois, des libertés de circulation, de religion, d’expression, d’association, du travail ou de faire du business, entre autres.
“Son succès story” en matière de violation des droits humains, en se servant d’une justice corrompue à la solde du pouvoir en place qui maintient dans les geôles une centaine de militants sans procès depuis plusieurs mois, lui a permis de surclasser le Zimbabwe ou le Cambodge, considérés comme des pays qui sont beaucoup plus respectueux à l’égard des libertés personnelles et individuelles de leurs citoyens.
D’après les spécialistes, ce mauvais classement de l’Algérie n’est guère étonnant au regard de l’actualité sinistre des Droits de l’Homme dans le pays durant l’année dernière. De simples blogueurs ou manifestants sont torturés et emprisonnés comme c’était le cas dernièrement du jeune étudiant Walid Nekkiche qui a brisé “le mur de l’omerta” en déclarant devant le juge d’instruction avoir subi des tortures et sévices, à la fois sur les plans physique et moral, lors de son incarcération.
Pour un grand nombre de défenseurs des droits humains, le cas de Nekkiche, n’est pas un cas isolé dans ce pays, dont les médias sont toujours fermés à l’opposition et aux citoyens, alors que des dizaines des citoyens croupissent encore dans les prisons pour avoir exprimé leurs opinions.
Avant lui, en octobre 2019, Karim Tabbou, homme politique et principal acteur du mouvement populaire, avait également affirmé avoir été torturé, ainsi que Kamel-Eddine Fekhar, décédé par “négligence programmée” et ceux dont l’état de santé s’est sérieusement dégradé pendant et après incarcération.
De l’avis des observateurs, ces actes ont mis à nu l’ampleur de la répression qui s’abat sur les militants du Hirak “béni” par les défenseurs des droits de l’Homme, mais “honni” par un pouvoir hanté par une éventuelle reprise des manifestations populaires dans un contexte de crise sanitaire, mais également politique, économique et sociale.
Dans la foulée de cette dégradation, le comité de lutte contre la torture, comprenant le comité National de Libération des Détenus, la coordination Nationale des Universitaires Algériens pour le Changement et des membres du collectif des Avocats de la défense des détenus d’opinion, a dénoncé une répression du Hirak qui “fait réapparaitre au grand jour la réalité de la torture” dans le pays.
“Les conditions d’arrestation et d’incarcération des détenus d’opinion, rapportées par les avocats confirment des cas de maltraitance, de violence et de torture dans différentes structures de police et services de sécurité ainsi que dans les prisons”, explique le Comité contre la torture, créé dans la foulée des révélations faites devant la chambre criminelle près la cour d’Alger par le jeune Nekkiche.
Des cellules infamantes, des “déportations” de détenus par des mesures d’acharnement disciplinaires et répressives, des pressions psychologiques insupportables, voilà le lot des détenus d’opinion en Algérie depuis 2019, ont déploré les membres du comité.
Ils affirment que “depuis l’indépendance jusqu’à aujourd’hui, la torture salit notre histoire et l’impunité des tortionnaires est couverte par le pouvoir politique, la justice, l’Etat et ses appareils”.
“Quelle différence entre l’Etat colonial qui torture les Algériens en lutte pour leur indépendance et l’Etat algérien indépendant qui torture ses citoyens pour délit d’opinion ?”, se demandent-ils.
Certes le régime algérien en quête de légitimité a imposé depuis la chute de Bouteflika une feuille de route ignorant les demandes populaires en fourbissant ses plans et stratégies pour continuer comme avant, mais, malgré la guerre sans précédent déclenchée contre les militants des droits de l’Homme et les voix dissidentes, les emprisonnements massifs et la torture, l’objectif d’éradiquer un “hirak béni” semble pour le moment hors de portée.