Faisant le signe des suprémacistes blancs, l’auteur de l’attentat de Christchurch a été inculpé pour meurtre
L’auteur du carnage retransmis en direct sur les réseaux sociaux qui a causé la mort de 49 personnes dans deux mosquées de Christchurch, vendredi 15 mars, a été inculpé samedi par un tribunal de la ville néo-zélandaise.
L’homme de 28 ans, est apparu menotté et vêtu de la tenue blanche des prisonniers pour une brève audience à laquelle seule la presse pouvait assister, pour raisons de sécurité. L’ancien instructeur de fitness et « fasciste » autoproclamé est resté impassible lorsque son inculpation lui a été signifiée.
Debout, flanqué par deux policiers, il a fait de la main droite le signe « OK » en joignant le pouce et l’index, symbole utilisé à travers le monde par les adeptes du suprémacisme blanc. Il demeurera en détention jusqu’à une prochaine audience fixée au 5 avril.
Quelques heures après les faits, Donald Trump a condamné sans ambiguïté les attaques terroristes de Christchurch. Mais il a aussi relativisé le danger de l’idéologie suprémaciste. À la question de savoir s’il considérait que le « nationalisme blanc » constituait une menace croissante, le président des États-Unis a répondu : « Pas vraiment. » En poursuivant : « Je pense qu’il s’agit d’un petit groupe de personnes qui ont de gros gros problèmes. […] Je suppose que si vous regardez ce qui s’est passé en Nouvelle-Zélande, c’est peut-être le cas. Avant de conclure, « je n’en sais pas encore assez à ce sujet. Les enquêteurs n’en sont qu’au début pour la personne et les personnes impliquées. »
Non loin du tribunal, 39 personnes sont toujours hospitalisées pour des blessures reçues lors du carnage. Parmi les blessés figurent un garçon de 2 ans et une fillette de 4 ans, évacués dans un état critique vers un plus grand établissement.
Les médecins de l’Hôpital de Christchurch ont dit avoir travaillé toute la nuit de vendredi à samedi dans 12 salles d’opération pour venir en aide aux survivants. Pour nombre d’entre eux, la convalescence sera longue après de nombreuses interventions chirurgicales. Sans parler du traumatisme psychique.
La Première ministre Jacinda Ardern a qualifié de « terroriste » cette attaque et parlé d’une des « journées les plus sombres » jamais vécues par la Nouvelle-Zélande.
L’attentat, qui a soulevé une vague de condamnations à travers le monde, apparaît comme le plus meurtrier de l’époque contemporaine contre des musulmans dans un pays occidental.
Les deux cibles du tireur étaient la mosquée al Nour dans le centre-ville, où 41 personnes ont péri, et une seconde en banlieue, à Linwood, où sept personnes sont mortes. Une 49e victime a succombé à l’hôpital.
Les victimes venaient des quatre coins du monde musulman, a souligné lors d’une conférence de presse Mme Ardern, en indiquant que la Turquie, le Bangladesh, l’Indonésie ou encore la Malaisie avaient proposé l’aide consulaire à leurs ressortissants. Un Saoudien et deux Jordaniens figurent parmi les victimes. Cinq Pakistanais sont portés disparus.
Coiffée d’un foulard noir, Jacinda Ardern est allée rencontrer samedi des rescapés de la tuerie et des familles dans une université où a été installé un centre d’information pour les victimes.
Sahra Ahmed, une Néo-Zélandaise d’origine somalienne, s’est dite émue par le geste de la Première ministre. « Ça me touche beaucoup, c’est une façon de dire : je suis avec vous », a-t-elle souligné.
« Nous aimons toujours ce pays », a lancé de son côté Ibrahim Abdul Halim, imam de la mosquée de Linwood, en promettant que les extrémistes ne parviendraient « jamais à entamer notre confiance ».
Cette tragédie a provoqué une onde de choc en Nouvelle-Zélande, un pays de cinq millions d’habitants dont seuls 1 % se disent musulmans, et un archipel connu pour sa douceur de vivre, sa tradition d’accueil et sa faible criminalité, avec une cinquantaine de meurtres par an seulement.
Bien que nombre de commerces soient demeurés fermés samedi, et que beaucoup d’habitants de Christchurch aient choisi de rester chez eux, des bouquets s’empilaient près d’un mémorial improvisé proche de la mosquée al-Nour.
Au moins deux armes semi-automatiques, vraisemblablement des AR-15, et deux fusils ont été utilisés par le tireur. Certaines armes avaient été modifiées pour les rendre plus efficaces, selon Jacinda Ardern.
Avant de passer à l’action, l’homme, qui se présente comme un blanc de la classe ouvrière aux bas revenus, a publié sur Twitter un « manifeste » raciste de 74 pages. Il est intitulé « Le grand remplacement », en référence à une théorie complotiste populaire dans les milieux d’extrême droite selon laquelle les « peuples européens » seraient « remplacés » par des populations non-européennes immigrées.
Le document détaille deux années de radicalisation et de préparatifs. Il affirme que les facteurs déterminants dans sa radicalisation ont été la défaite à la présidentielle française de 2017 de la dirigeante d’extrême droite Marine Le Pen et la mort de la petite Ebba Åkerlund à 11 ans dans l’attaque au camion-bélier de 2017 à Stockholm.
Il y rend aussi hommage au président américain Donald Trump, lequel, interrogé vendredi soir à Washington, a estimé que l’idéologie de la suprématie blanche n’était « pas vraiment » une menace répandue.
L’auteur a ensuite diffusé en direct sur les réseaux sociaux les images du carnage, où on le voit passer de victime en victime, tirant sur les blessés à bout portant, alors qu’ils tentent de fuir. Trente-six minutes après les premiers appels à la police, le forcené était appréhendé, dans des conditions qui demeurent floues.
Les images du tireur sont « extrêmement pénibles », a prévenu la police. Les autorités ont averti les internautes qu’ils pourraient encourir jusqu’à dix ans de prison, en cas de partage de cette vidéo, diffusée sur Facebook Live et réalisée avec une caméra apparemment fixée sur le corps du tireur.
Les comptes Twitter, Instagram et Facebook où ont été publiés la vidéo, les photos et le manifeste ont été suspendus.
AFP