Le succès de table-ronde coorganisée par l’Alliance Suisse-Maroc et l’Observatoire Géostratégique de Genève dans la salle du Conseil œcuménique des églises est aussi celui de la diplomatie interreligieuse.
Parler de paix et de tolérance à un moment où le monde est confronté à une flambée mortifère de haine et de violence, c’est le défi relevé par l’Observatoire Géostratégique de Genève et l’Alliance Suisse-Maroc le 9 novembre dernier à Genève. Y a-t-il une alternative aux guerres et à ceux qui s’emploient à opposer les peuples et les cultures ? Cette table ronde intitulée « Construire des havres de paix à travers l’émancipation, le dialogue et l’inclusion », a de l’avis de tous les participants apportée une petite éclaircie dans un ciel bien assombri.
Dans son propos introductif, le secrétaire général de l’Observatoire Géostratégique de Genève a lancé un appel aux « femmes et aux hommes de bonne volonté » pour qu’ils fassent entendre leurs voix. La rencontre qui a rassemblée plus de 100 personnes s’est tenue dans la salle historique Visser ‘t Hooft (1) du Conseil Œcuménique des Églises, où Mandela, des papes et des leaders du monde musulman ont porté des messages de paix, de réconciliation et de pardon.
C’est dans ce haut lieu de la diplomatie interreligieuse que les participants ont rappelé les principes du vivre ensemble. Comme co-organisateur de cet événement, le président de l’Alliance Suisse-Maroc, le Dr El Yazid Mouhsine a été le premier à rappeler que la tolérance était un préalable nécessaire à la coexistence pacifique entre religions, cultures et peuples. L’ambassadeur représentant permanent du royaume Maroc auprès de l’ONU à Genève, Omar Zniber, a ajouté que son pays avait, depuis longtemps, montré l’exemple en faisant cohabiter et même fraterniser musulmans, juifs et chrétiens.
Le débat animé par Ventzeslav Sabev, secrétaire général adjoint de l’Observatoire Géostratégique Genève et activiste de la paix bien connu, s’est démarqué par la qualité des intervenants et la sagesse de leurs propos. Les échanges ont été ponctués par des chants interprétés par Keren Esther, chanteuse de la communauté Juive de Genève, d’origine Marocaine. Une immersion dans les parfums de rose, de fleur d’oranger, les couleurs et les sons de Tanger sa ville d’origine. L’artiste qui s’est engagée à transmettre l’harmonie par la musique et la peinture a trouvé un public réceptif.
Pas de reproches donc à l’ordre du jour mais des approches constructives pour un dialogue durable en dépassant les clivages et les stéréotypes. La diversité de religion, de nationalités et de fonctions des participants et des panelistes a montré qu’il était possible de se retrouver autour de valeurs communes.
Carla Khijoyan, responsable du dialogue inter-religieux et du Proche Orient au sein du Conseil Œcuménique des Eglises (COE) a accueilli les participants au nom du Secrétaire-Général, le Révérend Jerry Pillay, soulignant le rôle du COE dans le dialogue inter-religieux, l’éducation et l’implication de la société civile. L’ambassadeur représentant permanent de la Bulgarie auprès de l’ONU à Genève, Yuri Sterk a d’ailleurs insisté sur le rôle que devait jouer cette dernière dans les processus de paix. Le Secrétaire Général de l’Alliance Evangélique Mondiale, Thomas Paul Schirrmacher a, pour sa part, rappelé la tenue, au mois de juin dernier à Marrakech, de la Conférence Parlementaire Internationale sur le dialogue interconfessionnel, laquelle a entériné la Lettre Royale comme feuille de route destinée à mettre en place un mécanisme de dialogue entre les trois religions monothéistes.
Esther Bendahan Cohen, Directrice du Centre Séfarade-Israël basé à Madrid a livré un témoignage en vidéoconférence sur son parcours de femme Juive Sépharade depuis Tétouan, jusqu’à Madrid. Elle a expliqué comment l’histoire du vivre-ensemble encourage et promeut l’intégration et la solidarité entre communautés au-delà des frontières du Maroc et du Continent Africain. L’Afrique, il en a été également question avec l’avocate genevoise Ndaté Dieng qui préside l’Association Afrodysée qui a insisté sur la contribution de la femme Africaine dans la promotion de la paix, l’art, l’entrepreneuriat social et les affaires.
Le Dr Jaafar Kansoussi, écrivain, éditeur et historien marocain a traité des bonnes pratiques séculaires du vivre-ensemble et des traditions de coopération inter-culturelles et inter-religieuses. Le professeur Souhail Belhaj Klaz, de l’Institut des Hautes Etudes Internationales et du Développement à Genève a livré un aperçu géopolitique de l’espace Euro-Méditerranéen, y compris l’ « Euro-Mediterranean Partnership Cooperation Process » comme modèle de dialogue et de coopération pacifique régional.
Le Dr Ibrahim Salama, Chef du Service des Traités au Bureau du Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme et le Dr Michaek Wienner, Human Right Officer, au Bureau du Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme ont exposé les initiatives normatives engageant les Etats, les Organisations Internationales et la Société civile dans le dialogue inter-religieux, le respect des minorités, la prévention de la discrimination et du langage de haine.
Le colloque s’est conclu par la lecture de l’ « Appel spirituel de Genève contre la Haine et l’Intolérance», document qui condamne les messages de haine et prône l’échange interculturel. Il appelle également à l’adoption de mesures concrètes qui favorisent la promotion le dialogue et a pointé du doigt le danger que représentent les fake news pour l’opinion publique et la stabilité.
(1) Nom du premier secrétaire général du Conseil Œcuménique des Églises