Royaume Uni : une approche “rooseveltienne” pour sortir de la crise

Longtemps critiqué pour sa réponse tardive à la pandémie du nouveau coronavirus, le gouvernement britannique tente de se rattraper en lançant un vaste plan de relance économique, axé sur la refonte des infrastructures et inspiré de la politique interventionniste de l’ex-président américain Franklin D. Roosevelt.

L’économie britannique, cinquième au monde derrière celles des États-Unis, la Chine, le Japon et l’Allemagne, avec un produit intérieur brut de 2.829 milliards de dollars, a été frappée de plein fouet par les retombées de la crise sanitaire. La semaine dernière, près de 12.000 personnes ont perdu leur emploi après l’annonce d’une série de coupes dans de nombreuses entreprises dans les secteurs de la restauration, l’industrie de mode et l’aviation.

En effet, depuis les réformes économiques inspirées du libéralisme économique et mises en place dans les années 1980, quand Margaret Thatcher était à la tête du gouvernement, le Royaume-Uni avait opté pour l’économie de marché.

La force du pays tient en partie à ses banques solides et sa place financière en Europe, mais la politique d’austérité mise en place depuis 2010 par les gouvernements conservateurs afin de réduire le déficit budgétaire et les incertitudes créées par le Brexit depuis le référendum de 2016 ont pesé lourdement sur l’économie du pays, qui présente déjà des signes de “fatigue”, liés au déficit de la balance des paiements, en raison notamment de l’épuisement des ressources pétrolières.

En outre, le système de chômage partiel mis en place par le gouvernement britannique en pleine pandémie afin de limiter les licenciements et soutenir les entreprises britanniques touchées par la crise, a coûté à l’Etat plus de 330 milliards de livres sterling, ce qui représente près de 15 % du PIB national.

Alors que la dette britannique a dépassé actuellement les 100% du Produit intérieur brut, le premier ministre Boris Johnson a refusé tout retour à l’austérité, estimant que “le monde a changé depuis 2008”.

Déterminé à redémarrer l’activité dans ce pays, parmi les plus endeuillé au monde avec près de 50.000 décès dus à la pandémie de la Covid-19, Boris Johnson a développé une approche “rooseveltienne” pour sortir de la crise, en lançant un plan de cinq milliards de livres d’investissements dans les infrastructures, inspiré de la politique dite de la “Nouvelle donne” de Franklin Roosevelt qui avait permis de relancer l’économie américaine après la Grande Dépression des années 1930.

Ce plan, qui se résume par le slogan “Construire, construire, construire”, comprend des investissements notamment dans la construction et la rénovation des écoles, des hôpitaux et des routes.

“Cela ressemble à un New Deal (…) parce que c’est ce que l’époque exige: un gouvernement puissant et déterminé qui met ses bras protecteurs autour du peuple en temps de crise”, a déclaré le dirigeant conservateur dans un discours adressé à la nation depuis la ville de Dudley, au centre d’Angleterre.

“Le moment est venu pour être ambitieux” quant à l’avenir du Royaume-Uni, a-t-il dit, promettant de “saisir ce moment pour régler des problèmes économiques de longue date”.

“Nous allons construire, construire, construire. Reconstruire en mieux, reconstruire en plus vert, reconstruire plus rapidement”, a poursuivi le dirigeant conservateur, qui insiste sur l’adoption d’une approche verte dans toutes les prochaines démarches économiques.

Annoncé alors que le pays entame une étape majeur de déconfinement, le plan de Boris Johnson a été vivement critiqué par la presse britannique mais aussi par de nombreux députés.

L’opposition travailliste estime qu’il s’agit d’un plan “peu ambitieux” par rapport à l’ampleur de la crise provoquée par la pandémie alors que le Financial Times ironise que “le New Deal de Roosevelt a donné naissance à des méga-projets tels que le barrage Hoover – alors que la liste des projets prioritaires du Premier ministre inclut la réparation d’un pont à Sandwell”.

L’ONG écologiste Greenpeace a de son côté regretté une “opportunité manquée” en matière de protection de l’environnement.

Bien avant la crise, Boris Johnson s’était déjà engagé lors de sa campagne pour les législatives à injecter des millions dans les services publics, lui permettant de remporter des bastions travaillistes dans les régions défavorisées du Nord de l’Angleterre.

Son plan de relance à l’américaine, qui consiste surtout à “accélérer” ses projets, est annoncé alors que la crise sanitaire connaît une première résurgence locale.

Avec près d’un millier de cas enregistrés en deux semaines dans la ville de Leicester (centre d’Angleterre) et ses environs, dans une zone représentant plus de 600.000 habitants, le gouvernement a décrété mardi dernier un confinement local.

Cette nouvelle a eu l’effet d’une douche froide à quelques jours de la réouverture, samedi dans le reste de l’Angleterre, des restaurants, cafés, pubs, cinémas, musées, dentistes et coiffeurs, marquant ainsi presque la fin du confinement dans ce pays durement touché par la crise sanitaire.

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.