“La preuve que la vie reprend son cours normal en Amérique”, le titre d’une caricature à la Une du “Washington Post” cette semaine est évocateur de la violence lancinante liée aux armes à feu aux Etats-Unis. Entre autres faits marquants qui permettent, selon son dessinateur, d’entrevoir la fin des restrictions liées à la pandémie: “deux fusillades en l’espace de deux semaines”.
Le pays où le droit de posséder des armes est ancré dans la Constitution, est en effet de nouveau plongé dans un grand désarroi.
Le 16 mars, une série de fusillades visant des spas appartenant à des Américains d’origine asiatique, a ensanglanté la ville d’Atlanta en Géorgie. Le tireur, un homme blanc de 21 ans passionné par les armes, a tué huit personnes.
Quelques jours plus tard, le 22 mars, un homme muni d’un fusil d’assaut de type AR-15, une véritable arme de guerre, a abattu 10 personnes, dont un policier, dans un supermarché dans le Colorado.
Avant les fusillades d’Atlanta, les Etats-Unis n’ont pas connu de telles tueries de masse depuis mars 2020, date du début des restrictions liées à la pandémie, selon le « Violence Project », un centre de recherche dédié à l’étude de la violence au sein de la société.
Encore une fois, les deux derniers massacres relancent le sempiternel débat sur la détention et le contrôle des armes à feu. Le sujet, très sensible aux Etats-Unis, revient à la Une à chaque nouvelle tragédie.
La réglementation est pourtant difficile à amender tellement l’opposition est farouche de la part d’un grand nombre d’Américains partisans du port d’armes et du puissant lobby des armes, la NRA (Association nationale en faveur des armes).
Face aux derniers drames, le président américain Joe Biden, qui s’est dit « dévasté», a exhorté le Congrès à ne pas «attendre une minute de plus» pour promulguer une législation visant à renouveler les interdictions des fusils d’assaut et des chargeurs à grande capacité de munitions.
«Une autre ville américaine a été marquée par la violence armée et le traumatisme qui en résulte», a-t-il déclaré après la tuerie du Colorado, un Etat qui a déjà été le théâtre de certains des épisodes les plus choquants de la violence armée de l’histoire récente des États-Unis.
En 2012, une fusillade dans une salle de cinéma avait fait douze morts et 59 blessés. Et en 2019, deux adolescents armés de fusils à pompe et de carabine, ont tué 13 de leurs camarades lycéens et un enseignant, avant de se donner la mort.
Ironie du sort, la ville de Boulder, endeuillée par la tuerie de cette semaine, avait interdit les fusils d’assaut en 2018, afin d’éviter des fusillades de masse comme celle qui a coûté la vie à 17 personnes dans un lycée en Floride.
Mais 10 jours après le blocage de cette interdiction par la justice, la ville est secouée par sa propre tragédie.
Le président américain a appelé le Sénat à entériner rapidement deux projets de loi adoptés plus tôt cette année par la Chambre des représentants. Ils ont été introduits pour la première fois après la fusillade de masse de 2018 dans un lycée en Floride, lorsqu’un ancien étudiant de 19 ans a ouvert le feu avec son fusil semi-automatique AR-15, acheté légalement, tuant 17 personnes.
Les deux textes étendent la vérification des antécédents aux vendeurs privés et prolongent le délai pour effectuer des vérifications sur les acheteurs.
M. Biden n’est pas à son premier défi de taille de faire adopter des propositions de loi pour le contrôle des armes à feu.
Sous la présidence Obama, il avait alors, en tant que vice-président, la charge de proposer un ensemble de mesures législatives pour restreindre le contrôle des armes après le massacre de l’école primaire Sandy Hook, dans l’État du Connecticut en 2012, qui avait fait 28 morts dont 20 enfants âgé de 5 à 10 ans.
En l’absence de toute action législative significative, M. Obama a été finalement contraint de promulguer une poignée de réformes relativement modestes par la voie de décrets exécutifs.
Aussitôt après le massacre de Boulder au Colorado, la National Rifle Association (NRA) a rapidement défendu le droit de posséder des armes à feu.
Quelque 400 millions d’armes à feu circulent aux Etats-Unis. En 2020, année de la pandémie, l’engouement pour les armes à feu est à son paroxysme, selon la Fondation nationale du tir sportif, qui estime que 40 pc des ventes ont été effectuées par de nouveaux acheteurs contre 24 oc durant les deux dernières décennies.
Dans un Sénat où les démocrates ne disposent que d’une courte majorité, Joe Biden espère rallier à sa cause des élus républicains pour réguler la vente d’armes qui coûte la vie, selon les partisans des restrictions, à une centaine d’Américains par jour.
“Ce n’est pas et ne devrait pas être une question partisane, c’est une question américaine. Elle permettra de sauver des vies, des vies américaines, et nous devons agir”, a plaidé le président américain, dont la tâche est loin d’être aisée face à une opposition toujours hostile aux règles restrictives.